La nuit du jour de l'an, une vile créature pourchasse sa proie. Cette dernière s'en sortira-t-elle?

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Elle courait à toutes jambes le long de l’étroite allée de briques.

La neige folle étouffait ses pas rapides. Quelques lanternes encore en vie vacillaient violemment à son passage dans la nuit sombre. La respiration haletante et paniquée de la jeune femme se mêlait à celle du noroît qui faisait tourbillonner les flocons sur le pavé de la ruelle.

Les violoneux avaient rangé leurs archets aux crins usés par la veillée endiablée qui s’achevait. Le village s’était endormi dans l’ivresse après les festivités du nouvel an. Même les fêtards les plus endurcis ronflaient à gorge déployée.

Elle fuyait, seule sous les étoiles du premier janvier. Son assaillante la pourchassait toujours, elle le savait, bien qu’elle n’osa regarder en arrière.

Longtemps, la fugitive avait ridiculisé ces légendes fantaisistes. Elle se demandait maintenant si son acharnement à dénigrer les histoires des vieux habitants ne lui avait pas attiré ses ennuis, comme si la créature à ses trousses tenait particulièrement à lui prouver son existence.

“La nuit du premier janvier, surveillez vos traces de pas dans la neige”, disait-on.

À quelques mètres derrière elle, les pas saccadés de sa poursuivante résonnaient lourdement: POC, POC, POC. La créature riait sans arrêt dans des gargouillis épouvantables. Son rire satanique frôlait l’hystérie.

La jeune femme courait sans relâche, mais perdait du terrain. Le souffle puant de la bête lui chauffait les mollets. Elle paniqua de plus belle. La voix gutturale de la créature s’approchait dangereusement dans la pénombre:

“TIDELADI DALIDELADI DALIDIDAM HUAHUAHAHAAA”

La jeune femme parvint à une intersection de la ruelle. Elle feinta habilement un virage à gauche, mais décampa à droite au dernier moment. Elle entendit le monstre déraper et emboutir un amoncellement de bois.

La fugitive jeta un œil derrière elle, puis percuta de plein fouet la grille d’un portail de fer massif bloquant l’allée. Elle tomba durement au sol, le souffle coupé. Derrière, la bête s’approchait pas à pas. Elle riait toujours, mais de colère.

“HAHAHADELIDAYE DIDELI DAMN!”

Il n’y avait plus d’issue.

La lune se levait au-dessus des montagnes et remplit la ruelle d’une lueur froide. Se relevant en douleur, la jeune femme aperçu son assaillante pour la première fois et fut prise d’horreur.

Devant elle, se tenait une bottine.

Une vieille bottine rapiécée dont le cap d’acier troué formait une énorme bouche salivante et répugnante. Son rictus malveillant glaçait le sang. L’haleine du monstre puait tellement des pieds!

La bottine fixait sa victime de ses yeux de jute, l’air dément. Elle sautillait en avançant: POC, POC, POC. Elle se lécha les babines de sa semelle dégoulinante et prit un élan, prête à bondir sur sa proie.

La jeune femme, désespérée, plongea une main dans sa poche de manteau. Elle y saisit le seul objet qui s’y trouvait: son petit porte-clés.

L’épaisse couche de rouille du vieil anneau lui râpa la paume jusqu’au sang. Elle le jeta de toutes ses forces sur la bottine. Les clés oxydées tintèrent dans les airs, puis déchirèrent un œil de la botte qui hurla de douleur et se renversa sur le côté.

La fugitive déguerpit aussitôt. Elle fuit les lieux en sautant par-dessus la bottine enragée, puis regagna sa chaumière, encore sous le choc.

Cette nuit-là, au village, les habitants à moitié endormis crurent tous entendre une mystérieuse voix plaignarde turluter toute la nuit:

“AYOYEDIDELAÏE DADELOUILLE! AYODON DELIDON!”

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Bonne année! 😉 🍻

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